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Pérégrinations estivales 1#

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Le temps des cerises est bien celui du gai rossignol et du   merle moqueur. La quarantaine devenue quinzaine à l'orée du bois m'offre une joyeuse cacophonie presque nuit et jour. De quoi rivaliser avec les bruyantes et interminables joutes canines des rues de Pondicherry.   Me voici installée dans une petite maison dans la prairie, maison forestière pour être plus précise. Arrivée le jour de la troisième phase de déconfinement officiel en France et de reconfinement en Inde, je savoure ce havre de paix qui me permet de me remettre tranquillement d'un voyage épique.    36 heures pour revenir aux sources, une transition qui plus que d'habitude me met face aux changements de notre petite planète. Tous les lieux si grouillants dans le monde d'avant sont devenus presque surréalistes. La route de l'aéroport de Bangalore déserte, l'aérogare de la Silicon Valley indienne où seul le drapeau indien flottant au vent nous rappelait où nous...

Chronique Indienne 13#

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En Inde, les selfies sont tout une histoire. Chacun.e peut se souvenir avoir été accosté.e au détour d'une rue pour répondre à une demande insistante d'immortaliser la situation. L'Inde est le plus grand utilisateur de WhatsApp au monde, c'est un pays où l'on transfère toujours de nombreuses photos, vidéos, images aussi diverses que variées dans un ensemble parfois un peu incongru. Avec les masques qui commencent à devenir un accessoire de mode, les selfies restent toujours très prisés.  Bien que de plus en plus de personnes mettent lesdits masques, la mauvaise nouvelle est que la situation sanitaire ne semble pas s'arranger. Les rumeurs annoncent pour les jours à venir un nouveau confinement afin de répondre à une augmentation de la contamination qui pourrait laisser penser à ce qui s’est passé en France les dernières semaines de mars. Les chiffres montrent un doublement des cas chaque jour. Le temple du cheval fait le plein de mariages...

Chronique Indienne 12#

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De grosses gouttes perlent le long de mon dos et sur mon front, le masque rivé sur mon visage ne fait qu'ajouter à la chaleur extrême. La fraîcheur du soir n'est qu'une illusion, pédaler dans les rues sombres de la ville blanche offre juste la liberté pas vraiment retrouvée tout au long du jour. Aujourd'hui 8 juin, la vie est censée reprendre le chemin de la normalité et pourtant rien n'est plus comme avant. Les arbres portant de grosses grappes lumineuses, appelées Imagination, n'offrent plus un contraste saisissant avec l'azur du ciel. Tombées en un parterre tout aussi lumineux, elles éclairent le bitume fondant.  L'imagination laisse-t-elle la place à une nouvelle réalité ? Encore trois semaines de confinement prévues jusqu'à fin juin, si ce n'est que le premier ministre Narendra Modi, il y a quelques semaines déjà, avait annoncé dans son discours que la vie humaine est toujours prioritaire, mais que l'activité économique...

Chronique Indienne 11#

Roland Michaud a quitté son corps, comme on dit ici, il y a quelques jours. Formant le célèbre couple de photographes avec sa compagne Sabrina, grand lecteur des Mille et Une Nuits, il donnait toujours comme conseil à ses élèves de partir en Inde, porte d’entrée vers le plus incroyable des voyages. Depuis 10 ans, je peux attester que ce voyage est, non seulement le plus incroyable, mais aussi le plus confrontant. Au fil des années, j'ai bâti le sentiment de connaître ce pays, néanmoins chaque jour m'apporte son lot d'étonnement et d'enseignement. Au quotidien, j'apprends autant sur moi-même que sur ce pays où coexistent unité et désordre, harmonie et chaos. Le yoga dit-on. Quelle ne fût pas ma surprise, hier, de retrouver un trafic inhabituel près du Temple du Cheval au petit matin sur Papamailkoilstreet. Bus, voitures et d'innombrables deux roues m'ont vite rappelé l'intensité indienne et ont ravivé la nécessité de conduire la TVS rouge avec vi...

Chronique Indienne 10#

Mon amie Bhawna est partie ce matin par le premier vol de Chennai, à l'ouverture de l'aéroport qui était resté fermé pendant des semaines. Juste le temps d'un lever de soleil par le hublot du vol Indigo, ses paupières lourdes d'une longue nuit blanche se sont fermées, de doux rêves ont supplanté le stress du départ. Un voyage qui semblait pouvoir être remis en cause jusqu'à la dernière minute. Les sempiternelles querelles du gouvernement central et du Tamil Nadu ont failli remettre l'ouverture des frontières entre Etats à plus tard et éteindre l'espoir de cet envol tant attendu. La joie du départ ne cachait pas l'émotion de nos partages animés et nourris de notre interculturalité. La voici à Chandigarh, la fameuse cité indienne construite par le Corbusier que je rêve de découvrir quand voyager sera possible. Ce sont d'autres voyages, nos lectures théâtrales à voix haute, sur la terrasse le soir, commencées avec Samuel Beckett qui no...

Chronique Indienne 9#

Lassitude ou signe de confinement prolongé, avec "des assouplissements possibles afin de faciliter les activités économiques", selon le communiqué officiel, le toit terrasse de mon immeuble est devenu désert. Le petit Aum, qui n'a pourtant pas repris l'école, ne court plus entres les locataires qui s'emboitaient le pas avec rigueur et méthode, la convivialité créée par ce rituel devenu journalier, s'est évaporée. Mes leçons, à la volée, de quelques mots de bengali, hindi ou tamoul ne sont plus d'actualité. Avec l'air si lourd ce soir, le vent absent, seul le vol joyeux et coloré d'un kingfisher turquoise, le martin-pêcheur local, rehausse le ciel sans couleurs. Même les corbeaux ont déserté le toit de Papamailkoilstreet. C'est curieux comment cette situation finalement rapproche les cultures. Ici et comme ailleurs, il faut du temps pour intégrer les consignes et un rien de temps pour les oublier avant l'heure. Il y a déjà moins de...

Chronique Indienne 8#

La joie de la pluie qui tombe, si inattendue, en cette période de l'année, est assombrie par la couleur du ciel, soudainement devenue laiteuse et la promesse d'une humidité saturant l'air  pour les heures et jours à venir. Cela remplira aussi l'abreuvoir aux corbeaux sur la terrasse, désertée par la famille cashmeri au petit matin la semaine dernière. Le vieux patriarche m'a laissé la consigne d'abreuver les oiseaux noirs, qui ont une image bien moins maléfique qu'en Europe, en m'annonçant non pas qu'il rentrait au pays, mais qu'il allait retrouver son business. Les affaires doivent reprendre dit-il. Je ne découvrirai que le lendemain, à 5h du matin, comment la famille reprend la route dans une Innova, voiture préférée de mes road trips indiens. Le fils au volant, bagages et famille entassés et autorisation dûment collée sur le coffre de la dite voiture. Avec adieux, pincements au cœur pour moi de cette belle rencontre presque silencieuse, ...