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Affichage des articles du mai, 2020

Chronique Indienne 10#

Mon amie Bhawna est partie ce matin par le premier vol de Chennai, à l'ouverture de l'aéroport qui était resté fermé pendant des semaines. Juste le temps d'un lever de soleil par le hublot du vol Indigo, ses paupières lourdes d'une longue nuit blanche se sont fermées, de doux rêves ont supplanté le stress du départ. Un voyage qui semblait pouvoir être remis en cause jusqu'à la dernière minute. Les sempiternelles querelles du gouvernement central et du Tamil Nadu ont failli remettre l'ouverture des frontières entre Etats à plus tard et éteindre l'espoir de cet envol tant attendu. La joie du départ ne cachait pas l'émotion de nos partages animés et nourris de notre interculturalité. La voici à Chandigarh, la fameuse cité indienne construite par le Corbusier que je rêve de découvrir quand voyager sera possible. Ce sont d'autres voyages, nos lectures théâtrales à voix haute, sur la terrasse le soir, commencées avec Samuel Beckett qui no

Chronique Indienne 9#

Lassitude ou signe de confinement prolongé, avec "des assouplissements possibles afin de faciliter les activités économiques", selon le communiqué officiel, le toit terrasse de mon immeuble est devenu désert. Le petit Aum, qui n'a pourtant pas repris l'école, ne court plus entres les locataires qui s'emboitaient le pas avec rigueur et méthode, la convivialité créée par ce rituel devenu journalier, s'est évaporée. Mes leçons, à la volée, de quelques mots de bengali, hindi ou tamoul ne sont plus d'actualité. Avec l'air si lourd ce soir, le vent absent, seul le vol joyeux et coloré d'un kingfisher turquoise, le martin-pêcheur local, rehausse le ciel sans couleurs. Même les corbeaux ont déserté le toit de Papamailkoilstreet. C'est curieux comment cette situation finalement rapproche les cultures. Ici et comme ailleurs, il faut du temps pour intégrer les consignes et un rien de temps pour les oublier avant l'heure. Il y a déjà moins de

Chronique Indienne 8#

La joie de la pluie qui tombe, si inattendue, en cette période de l'année, est assombrie par la couleur du ciel, soudainement devenue laiteuse et la promesse d'une humidité saturant l'air  pour les heures et jours à venir. Cela remplira aussi l'abreuvoir aux corbeaux sur la terrasse, désertée par la famille cashmeri au petit matin la semaine dernière. Le vieux patriarche m'a laissé la consigne d'abreuver les oiseaux noirs, qui ont une image bien moins maléfique qu'en Europe, en m'annonçant non pas qu'il rentrait au pays, mais qu'il allait retrouver son business. Les affaires doivent reprendre dit-il. Je ne découvrirai que le lendemain, à 5h du matin, comment la famille reprend la route dans une Innova, voiture préférée de mes road trips indiens. Le fils au volant, bagages et famille entassés et autorisation dûment collée sur le coffre de la dite voiture. Avec adieux, pincements au cœur pour moi de cette belle rencontre presque silencieuse,

Chronique Indienne 7#

La subtile et si indienne odeur du jasmin retrouvée au petit matin dans les rues de Pondicherry, couverte d'un masque encore un peu artisanal, sur ma fidèle TVS, mobylette locale, m'a un instant replongée dans le "avant"... Je venais d'être doublée par un rickshaw, comme ressuscité après des semaines d'absence. J'eus à peine le temps d'apercevoir des dos vêtus de saris colorés, de longs cheveux ornés des traditionnels mala (collier) de frais jasmin, tout juste ouvert au lever du jour, que l'odeur me pénétrait. Un "avant" et un "après"? Non non, l'ordre du jour est plutôt au long "pendant". Cette odeur si familière dont les femmes parent leur chevelure brillante chaque matin : le jasmin, fleur du renouveau - chaque jour est un nouveau jour- me rappelle que nous sommes ici dans le monde de l'impermanence. Le confinement continue encore deux semaines, le déconfinement commence, re-commence, c'est un

Chronique Indienne 6#

Il est 9 h du matin, me voici déjà claquemurée dans ma chambre soulagée par l'air conditionné que je chéris comme un des millions de dieux du Panthéon indien. Depuis hier matin, très nettement la bascule est intervenue, la régulière et salvatrice brise fraîche venant de la mer qui adoucit tout au long de l'année le climat subtropical de cette région de l'Inde s'est retirée pour un petit mois. Un phénomène climatique qui se produit chaque année fin avril début mai. En effet, durant cette période, la brise souffle toujours et est devenue si chaude, car ne venant plus du large mais des terres brûlantes. Ce qui veut concrètement dire, que même la terrasse à l'aurore a perdu les charmes de sa douceur matinale, que l'exercice quotidien si prisé des Pondicherriens au soleil levant devient soudainement moins agréable. Il est 9h, la température ressentie taquine les 40°C, je reviens d'un rapide tour de la ville, qui semble endormie jour et nuit, où seules les