Chronique Indienne 12#

De grosses gouttes perlent le long de mon dos et sur mon front, le masque rivé sur mon visage ne fait qu'ajouter à la chaleur extrême.

La fraîcheur du soir n'est qu'une illusion, pédaler dans les rues sombres de la ville blanche offre juste la liberté pas vraiment retrouvée tout au long du jour.

Aujourd'hui 8 juin, la vie est censée reprendre le chemin de la normalité et pourtant rien n'est plus comme avant.

Les arbres portant de grosses grappes lumineuses, appelées Imagination, n'offrent plus un contraste saisissant avec l'azur du ciel. Tombées en un parterre tout aussi lumineux, elles éclairent le bitume fondant. 

L'imagination laisse-t-elle la place à une nouvelle réalité ?

Encore trois semaines de confinement prévues jusqu'à fin juin, si ce n'est que le premier ministre Narendra Modi, il y a quelques semaines déjà, avait annoncé dans son discours que la vie humaine est toujours prioritaire, mais que l'activité économique est importante.

La reprise donne l'impression d'un total déconfinement, mais dès le soir, le couvre-feu toujours en vigueur nous rappelle à l'ordre..

Surguru, la cantine végétarienne de Pondicherry reprend du service, je dois avouer avoir souvent rêvé du paneer 65 ou de palak paneer durant ces dernières semaines. L' ouverture des restaurants étant un point d'orgue des mesures destinées à redonner vie à l'économie.

Senteurs continue d'accueillir ses clients, peu nombreux. Les bons clients,  des résidents étrangers, sont ceux qui prennent un avion ou espèrent en prendre un avant l'ouverture du trafic aérien international à une date encore inconnue. Les fidèles clients indiens commandent par la poste.

Si les vols commerciaux n'ont pas repris, des avions décollent néanmoins afin de répondre aux besoins des uns et des autres de reprendre leurs activités, retrouver la famille et tout simplement ouvrir l'horizon après ces presque trois mois d'un ralenti pourtant si salvateur sur certains plans personnels.

Selva a la chance que son salaire soit intégralement versé, elle fait partie des indiens qui ont réussi à décrocher le sésame des si convoités « emplois du gouvernement ». Ce n'est pas le cas de son père, serveur dans un restaurant, qui n'a pas reçu une roupie après le 24 mars.
Trois mois sans salaire, deux mille roupies (25 euros) versées par foyer par le gouvernement... 
La famille soutenue par les enfants, brillants étudiants a pu survivre et est  devenue végétarienne pour la circonstance, le temps du confinement.

Cette situation économique qui précarise tant accroit encore les drames du "Vati". Ce terme devenu générique veut dire intérêts en tamoul et plus généralement qualifie tout ce qui est lié aux prêts. 
Il s'agit ici d'une pratique plus que courante puisqu'elle règle la vie des villages et des villes qui se développent sans épargne. 
L'impermanence et l'importance du moment présent imposent au quotidien des situations dans lesquelles le recours aux emprunts est très fréquent et fait partie de la vie matérielle. C'est un dramatique fléau, qui provoque d'inextricables situations.
Nirmal s'est endetté jusqu'à la fin de ses jours et au-delà pour le paiement de la dot et du mariage de ses quatre filles.
En effet, les dettes font partie de l'héritage transmis aux enfants. Les intérêts si élevés n'auront même pas permis, la plupart du temps, de commencer de rembourser le capital à l'issue d'une vie de labeur et de sacrifice.

Bhawna coule des jours heureux et fête son premier anniversaire de mariage. Pas de date pour la réouverture des établissements scolaires à ce jour, elle ne sait donc pas encore quand elle reviendra enseigner au Collège, équivalent de l'Université en Europe.

Avec la reprise, aux timides étals proposant la si "cooling" rafraichissante eau de coco s'ajoutent petit à petit d'autres fruits rares, difficiles comme le fruit du jacquier à extraire soi-même. Ils sont cependant tout autant délicieux pour le corps qui tant bien que mal essaie de résister à la chaleur.
J'ai retrouvé au détour d'une rue le Nungu fruit du palmier.. 

Comme chaque année, la floraison des arbres à la saison si chaude offre du bonheur et un ravissement pour les yeux.
Un orange presque fluorescent habille les flamboyants, plus de feuilles mais des fleurs épanouies sous le soleil de plomb.

Seule la nature, ici ou ailleurs, a cette force de résilience.

Le flamboyant est nommé Réalisation par La Mère.

Commentaires

  1. Le Surguru, évoque mille saveurs. Le Kerala ne m avait pas laissée autant de joie au palais.
    Et comme aujourd hui : une sauce yaourt curry moutarde citron et un peu d huile d olive
    Ça influence ma cuisine de tous les jours.
    À chacun de mes voyages, l Inde m exalte, me fascine et
    Au bout d un moment J ai besoin de la fuir. C est un sentiment étrange, j ai le désir de m y intégrer, je voudrais m y fondre, mais ne m en donne pas les moyens je crois.
    Mais je sais aussi que bientôt l appel va retentir à nouveau.
    Mais retour au présent J ai une salade avec un léger parfum indien qui m attend. Humm!

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  2. Quel plaisir de te lire, je revis tout ça, sans nostalgie mais des images. pleins le tête. Le 8 juin, cela faisait un an que je posais pied en Espagne pour ne plus répartir en Inde l annee dernière mais aussi 19 ans que je posais mon premier pied en Espagne jour pour jour.. Y à des dates comme ça 💕 Je T embrasse. Nous T embrassons

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  3. se promener entre l'Inde, l'Espagne et la France : quelle chance !

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