Chronique d'un retour annoncé
Le ciel est immanquablement blanc en ce début d’année 2021. Il ne s’agit pas de celui des temps neigeux et silencieux de Bourgogne que j’aime tant. C’est le ciel d’un hiver tropical, d’une mousson qui n’en finit pas ; pour le plus grand bénéfice des nappes phréatiques assoiffées par les dernières années d’intense sécheresse.
La végétation luxuriante, les couleurs vives et chatoyantes, les échoppes aussi petites que multiples et variées tout au long des neuf heures de la route chaotique entre Bangalore et Pondichéry, en témoignent : nous sommes bien en Inde en ce petit matin pluvieux du dernier jour de 2020. Je suis de retour chez moi.
Retrouver l’air frais et humide est si bon après un voyage aussi fluide qu’il pouvait paraître compliqué avant le départ. Il faut avouer que l'aérogare de Paris-Charles de Gaulle ressemblait plus à une future scène de Matrix 4 qu'à un départ en voyage : dans la salle d'embarquement quelques silhouettes aux yeux bridés visibles malgré des combinaisons d'extra-terrestres plus trois couches (masques, visières, sur visières), les visages rivés sur des téléphones mobiles étaient tout simplement surréalistes.
Il y a plus de six mois déjà, je faisais le chemin inverse pour me rendre à l’aéroport sous l’ombre fleurie et délicate des flamboyants géants. Je ressens de la gratitude pour faire partie des chanceux qui ont la possibilité de voyager dans ce que l’on nomme les "bubble air" : ces vols ni de rapatriement, ni commerciaux mais réservés principalement aux non touristes. J’appartiens bien à deux mondes, les réunir semble enfin apaisé.
Gratitude pour ces saisons d’Europe plus tranchées qu’ici, celles qui m’ont offert la chaleur de l’été, l’abondance de l’automne et la douceur du feu de cheminée de l’hiver.
Comme pour rattraper les semaines de mousson que j'ai dédaignées par mon absence, il pleut encore à Pondichéry en ce début d’année pour m’accueillir avec les traces bien présentes d’humidité et moisissures dans mon appartement, fruit des aléas climatiques des derniers mois.
Un grand nettoyage s’impose, une semaine de quarantaine, les transitions sont bien plus douces en ces temps perturbés. Comme si le ralentissement venait nourrir le temps nécessaire pour digérer le changement.
Le calme presque parfait de ma campagne bourguignonne rend le contraste encore plus saisissant avec cette Inde où le silence ne peut être qu’à l’intérieur de soi. J’avais si vite oublié le coq qui chante à toute heure, le marteau piqueur qui s’invite sous ma fenêtre, les ronronnements des climatiseurs tout au long de la nuit. Les bruits, les odeurs et les couleurs m’accueillent. La famille de repasseurs est bien présente avec ses éclatants sourires sur le passage du taxi qui arrive enfin chez moi. Le chauffeur de Rickshaw attend ses clients devant l’épicerie en face du 66 papamailkoilstreet. L'épicière n’a rien perdu de son inlassable énergie. Tout est à sa place du haut de ma terrasse désertée en ces temps qui semblent redevenus normaux.
En Bourgogne, les fêtes de fin d’année prendront fin avec la traditionnelle fête de l’Épiphanie. Dans les derniers jours passés avec ma mère avant le départ, nous avons soigneusement commandé la galette des Rois chez le célèbre et renommée restaurateur voisin. De quoi régaler toute la famille qui viendra chacun à son tour offrir ses bons vœux et soutenir la solitude de ma mère nostalgique de sa très fidèle partenaire de scrabble et de ma joyeuse présence. Gratitude pour ces parties interminables, les bons chocolats partagés, les pensées amoureusement plantées.
Un dosa et vadai sur la route du retour ont réveillé mes papilles. Une nourriture si délicate et connue m’attendait à l'arrivée. Réunis autour de la table, tout est là. La joie d’être aussi chez moi ici n’a d’égale que celle du sourire retrouvé.
Une année si particulière se termine, plus rien ne sera plus jamais comme avant.
Célébrons l’incertitude comme un cadeau, le moment présent comme une révélation. Saluons toutes les émergences, celles nées de ces derniers mois, celles déjà là que nous ne voyons pas encore et toutes celles à venir pour que chacun de nous puisse être au plus près de la vérité de notre être.
Bonne Année 2021…
Mervi! Magnifique...
RépondreSupprimerMercivpour ce partage d3 sensations
Merci pour ce Pondichery et cette Inde cheris qui me manquent tant et que je retrouvent au fil de la lecture.
.. Juste Merci du coeur pour ces si beaux voeux qui me reveillent à moi meme...
Avec joie.
SupprimerTrop ravie de ton retour tant attendu ! On s'est vus ce soir après sept longs mois et comme si rien n'a changé, comme si c'était juste hier qu'on vivait en quarantaine. Heureuse de te retrouver et de reprendre la vie pondichérienne en toute liberté en cette nouvelle année. je te souhaite une belle année et une vie encore plus enrichissante que tu partage entre deux mondes.
SupprimerVraiment ravie aussi de vous retrouver par hasard (il n'y a pas de hasard) sur la route de la plage pour rejoindre le flot des marcheurs, joggeurs...
SupprimerLa nuit tombée, si tôt, avec le bruit des vagues était propice à des retrouvailles tant attendues.
Merci pour ton écriture remplie de la joie profonde de ton retour chez toi et qui m'a permis de ressentir tous ces petits bonheurs de l'instant de ce pays chère à mon cœur également ...
RépondreSupprimerMerci, c'est bon à retrouver, c'est bon à partager.
RépondreSupprimerJ'aime tant retrouver cette peinture tant appréciée lors de notre séjour chez toi...il y a 3 ans deja, lors d'une autre ère... Elle me ramène dans ta rue, toute proche. Quel plaisir, Isabelle! Merci pour ta générosité.
RépondreSupprimerUta