Le pays des festivals



La légende dit qu’à choisir entre manger ou voyager, les Bengalis préfèrent voyager. C’est tout dire, sachant qu’on ne rigole pas avec la nourriture en Inde. Je me régale toujours avec l’huile et les graines de moutarde si caractéristiques de la cuisine bengalie de mon amie et professeure d’anglais aux premières heures de ma vie en Inde : Ananya.

Cuisiner, partager de la nourriture est un véhicule d’amour en Inde et voyager est très ancré pour tous. Le train est le mode de transport à grande distance le plus utilisé et aussi l’un des plus longs et des plus chargés au monde. Héritage de la colonisation britannique, il rend si pittoresque et aventureuse la découverte du pays.

 

Si en ces temps si particuliers, le tourisme international n’est plus de mise, les rues de Pondy ne désemplissent pas des voyageurs venus des quatre coins de l’Inde. 

Je retrouve avec joie mon ami cashmerie Ishfaq. Il arbore un sourire et une forme physique qui me rassurent après ces longs mois d’absence et de perturbations économiques de taille. Nous avons en commun d'être remplis de gratitude d’avoir pu regagner notre pays pour une longue période, d’avoir retrouvé notre terre natale et d'avoir été si  heureux de revenir à  Pondy. C'est ici chez nous.

Les affaires sont bonnes, dit-il, assis devant son échoppe sur la longue rue commerçante de Kuilapalayam qui conduit à Auroville. Après avoir dû réparer les dégâts sérieux liés aux abondantes pluies et autres désagréments climatiques, il est prêt pour accueillir le chaland, s’adaptant à cette nouvelle clientèle aisée, venant de Bombay, Delhi ou Bangalore qui ne marchande pas du tout, dit-il le sourire aux lèvres.

 

En ce samedi de pleine lune, les dieux et déesses de cent cinquante temples de Pondy et ses environs jusqu’à Gingee sont venus prendre leur bain de mer. La fête commence tout au long du chemin pour rejoindre la côte. Des chars, à grands renforts de lumières, musiques, s'offrent à la simplicité du sacré au quotidien. Sur leurs passages, des plateaux garnis de cendres, bougies et offrandes sont échangés par les riverains avec les brahmanes impassibles. Au seuil des maisons, les bénédictions arrêtent les rutilants tracteurs sur la route. Ceci dans une cacophonie toujours improbable et fascinante à la tombée de la nuit. 

 

C’est le festival de Mācimagham, des milliers de dévots, un peu moins que d'habitude - le covid apporte tout de même quelques limitations, il est vrai - sont présents pour être témoins de ce spectacle. S’immerger à ce moment-là, accompagner les déités dans leur bain sacré permet de se nettoyer et de se régénérer. La purification des dieux et des mortels se mêlent en une fête populaire dont le consumérisme moderne n’est pas absent. Malgré les restrictions en vigueur, les rues étaient toujours commerçantes, les étals colorés… made in China.  Les blouses roses,  équipes de Swachh Bharat, le grand programme indien visant à améliorer l’assainissement en Inde, s'affairent pour nettoyer les rues au petit matin. Attestant qu’il y avait foule la veille et que le plastique n’est pas encore mort.

 

En Bourgogne, le printemps est là. En témoignent les images fleuries reçues de mes proches. Les fleurs printanières accompagnent les premiers rayons de soleil et offrent comme un vent de liberté presque retrouvée. Le couvre-feu court encore dès 18h. Le réveil de la nature ne suffit pas à régénérer ces âmes commençant sérieusement à souffrir d'une situation qui n'en finit pas.

Bientôt, un an que nous avons appris de nouveaux mots, ceux d'un quotidien qui dure et qui pèse. 

 

Je ne sais pas si l'atteinte du seuil d'immunité collective est toujours d'actualité ici. En tout cas, chaque jour aux Senteurs, il est de plus en plus difficile de faire respecter le port du masque, pourtant obligatoire.

La chaleur revient doucement et sûrement, les moustiques se déploient avec allégresse, forts des pluies récentes comme conditions idéales de reproduction.

 

Une fête en remplace une autre, aujourd’hui c’est Shiva que l’on célèbre avec le Mahashivaratri day. C’est un jour très important dans le calendrier hindou. Pandémie oblige, les grands rassemblements ne sont pas au rendez-vous. Pourtant l’ambiance est palpable aux abords des temples du seul festival hindou qui se déroule pendant la nuit. Shiva, grand dieu du panthéon hindou, à la fois destructeur, bienfaisant et le créateur du monde, est à l’honneur. On célèbre, entre autres choses, la victoire sur l’ombre et l’ignorance, sujet on ne peut plus d’actualité. Shiva, c’est le dieu avec plusieurs bras voyageant comme tous les Dieux indiens sur son véhicule spécifique, une nandhi - c’est une vache - qui jalonne à répétition les murs d'enceinte  des ancestraux et monumentaux temples shivaïtes d’Inde du Sud, tels que Tiruvannamalai, Thanjavur. Je n’oublie pas que c’est aussi le père de Ganesh.

 

Une bufflonne au poil brillant me laisse en arrêt sur la route de l'école ce matin, le contraste saisissant avec les vaches blanches de mon enfance m'emmène dans le souvenir de mon père. C’est toujours à cette époque qu'il ramassait les premières violettes dans le printemps naissant. 








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