Un peu de liberté retrouvée



En échange d'un pot de moutarde de Dijon, acheté lors d’une escale dans la célèbre cité bourguignonne, mon amie Bhawna m'apporte le traditionnel Pongal, sucré et salé. Ce plat éponyme avec la grande fête tamoule célébrée actuellement.

Aujourd'hui, deuxième jour du festival qui en dure quatre, je me suis levée tôt afin de découvrir les kolams plus magnifiques les uns que les autres qui colorent toutes les rues de la ville à l'entrée des maisons.
L'agitation était palpable hier soir déjà, dans un incessant ballet de véhicules surchargés -la famille entière sur le deux-roues pour la circonstance- où trônait à l'arrière un petit et haut bouquet de canne à sucre. Pongal est calée sur le calendrier lunaire, cette fête célèbre l'abondance des récoltes.

Après avoir jeté et brûlé en famille les vieux vêtements, le premier jour chacun achète de nouveaux habits, symbole d’une nouvelle vie. Le deuxième jour, le plus important, est consacré à la cuisson du riz, du lait et du sucre jusqu'au débordement comme les kolams le montrent. C’est ce mot -débordement- qui donne le nom de cette fête : Pongal. Ce jour honore le soleil, nécessaire à l’abondance des récoltes. Pour le troisième jour, comme il faut aussi la collaboration du bétail pour faire les récoltes, la légende dit que les vaches acceptent de labourer les champs à la condition d'être fêtées une fois par an. La boucle est bouclée avec un dernier jour très familial, il y a foule dans la ville bien que les magasins soient fermés. Les femmes célèbrent la prospérité de leur frère, de leur famille. La cellule familiale est ici la base de la vie sociale.

Mon ami Pravin me demande si de tels festivals existent en France, il me semble que non. J’observe qu’ici l'évolution de la société ne se fait jamais contre la tradition. L’Inde est le pays des festivals, des célébrations. Pas une semaine sans que l’on honore telle déesse ou tel dieu. Il faut dire qu’ils sont nombreux, voire innombrables…

À travers l’esprit festif qui rayonne dans la ville, il est bon de retrouver une vie sociale. Même si nous sommes tous masqués, les lieux de convivialité à nouveau fréquentés diffusent une belle atmosphère de joie et de retrouvailles.
Je pense à mes proches qui, du côté de l’hexagone, regardent la neige tomber, tous contraints par le couvre-feu qui s’impose dès dix-huit heures. Ma mère se lamente de perdre toutes ses compétences au scrabble. L’hiver installé comporte des jours encore bien courts en ce début d’année pour commencer à entrevoir la lumière du printemps.
 
Sanhita, mon ancienne élève, maintenant étudiante à l’université de Strasbourg, découvre la beauté des paysages enneigés et regrette de commencer ses cours en ligne. C’est le lot de toute la jeunesse privée de la vie étudiante. Moi qui suis si friande des émergences en tout genre, j’avoue que j’ai du mal à les imaginer pour les étudiants. Je manque un peu d’inspiration…

L’Inde lance la plus grande campagne de vaccination au monde, une campagne massive pour laquelle le gouvernement indien se donne les moyens d’une "victoire décisive" pour mettre fin au virus et ses effets délétères sur l’ensemble de la société. La situation vaccinale ressemble de près ou de loin à celle de la France, les priorités d'âge et de profession sont les mêmes. Il est intéressant de noter que les difficultés informatiques se manifestent aussi bien en Inde qu’en France. Des difficultés techniques ont interrompu la campagne dans un État indien. En France, ma sœur cherchait désespérément des adresses e-mails pour inscrire les voisines de maman qui ne sont pas connectées et pourtant prioritaires dans la première vague de vaccination.

Le ciel redevient bleu ici, la mousson semble avoir versé ses dernières trombes de pluie. Les nappes phréatiques sont remplies. La nature si gorgée d’eau et verdoyante est prête pour ces longs mois sans une goutte de pluie, la nature puisera sur ses réserves pour déployer tour à tour les mille fleurs et odeurs tout au long des jours. S'adaptera-t-elle au changement climatique ?

Les fêtes se suivent, après Pongal, nous avons célébré “Republic Day” cette semaine. C’est une date importante puisqu’il s’agit de la célébration de l’entrée en vigueur de la constitution en 1950, adoptée l’année précédente par l’assemblée constituante, achevant le processus du retrait britannique vers une république indépendante.

Je retrouve le célèbre masala tea avec bonheur, les effluves au coin de chaque rue sont un beau symbole d’union des cultures. Devenu incontournable, il est le fruit de l’introduction de la culture du thé par les anglais en 1834 et ne devient populaire que dans les années 20. Avec l’ajout du lait, du sucre et des épices...Il est devenu tellement indien. Au bord de la route, je le savoure dans mon verre en métal brûlant, mes pensées s'envolent vers ma mère en pensant au troisième confinement supposé en France. Bientôt les manguiers fleuriront. Ces fleurs se nomment espoir de la nature en la réalisation…

Il est bon d'être ici.
Finalement, le troisième confinement n'a pas lieu, ma mère pourra maintenir son niveau de scrabble en m'attendant avec ses voisines. Mon amie Marianne retrouve la liberté, elle hume l’air de la Méditerranée.
Après si longtemps, c’est bon aussi...

Commentaires

  1. Merci, chère Isabelle, de me donner un aperçu, par touches, de ton retour à Pondi et de ta vie dans ta deuxième patrie.
    Mes pensées vont vers toi et nos amis communs. Je reste en lien par l'esprit et le coeur...
    A bientôt de tes nouvelles.

    Chaleureusement.

    Anne-Sophie

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    1. Bonjour Anne-Sophie.
      Merci pour ton retour. Je suis heureuse de partager mon quotidien. A bientôt.

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