Parfum d'un monde nouveau



Héritage tangible de la colonisation britannique, la conduite à gauche, au guidon de la TVS rouge, n'est pas le plus surprenant ce matin au sortir des sept jours de ma quarantaine volontaire.


J'avoue avoir ressenti ce syndrome de ne plus avoir envie de mettre le nez dehors après ces longues périodes de confinements et de déconfinements successifs qui m'ont offert un paysage social bien différent ces dix derniers mois.


Je suis partie de France alors que ma Bourgogne natale resserre les boulons des horaires du couvre-feu et qu'à Pondy tout semble comme avant ce fameux soir de mars où l'Inde s'est paralysée en moins de quatre heures chrono.


Je n'ai pas perdu la souplesse nécessaire à la conduite sur Mission Street et Gandhi Road ce matin mais je dois avouer que je suis revenue épuisée de ce chaos si indien entre klaxons ininterrompus, piétons innombrables, véhicules en tout genre à contresens et la grouillante vie des rues si familière et toujours aussi surprenante. Après plus de six mois de villes aseptisées, centres villes désertés, zones commerciales standardisées et excentrées en France, le contraste est saisissant. 


Le masque, pas toujours au bon endroit -souvent genre cache-col- , fait partie du paysage mais tout semble redevenu "normal" en cette première journée d'exploration joyeuse et curieuse de “my Pondy”.


Les peintures murales sont bien présentes à chaque coin de rue, pâlottes après la mousson qui peine à s'évanouir en ce début d'hiver tropical.

L'humidité poisseuse est là, je pense à la neige vivifiante qui couvre de son manteau blanc de nombreuses contrées françaises. 


Ma nostalgie ne se nourrit que des partages au téléphone avec ma mère, de ce lien si renforcé, actualisé lors de ces six derniers mois. Elle lira ma dernière chronique dans l’hebdomadaire  La Renaissance, fidèle dans la publication des chroniques depuis le début de l'aventure en mars dernier.


Retrouver tous les visages ; la formule en anglais est curieusement  “happy to see your face”, heureux de voir ton visage, demi visage plutôt. La joie, elle, n’est pas mesurée, pleine, éclatante : je suis heureuse de me retrouver chez moi. "You are back" me dit-on.


Petit déjeuner chez Surguru ce matin, l’incontournable cantine végétarienne locale, afin de retrouver Shibani mon ancienne élève qui me livre les délicats et non moins délicieux coffrets de sa nouvelle entreprise qui offrent son amour pour la poésie, l’art et de bonnes choses à manger. Le confinement lui a permis de faire émerger ce beau projet, d'allier sa passion pour la poésie, l'art et les bonnes choses : "Eat Poetry". Il s’est passé dix mois depuis nos derniers cours en présentiel, nous ne savions pas alors que ce serait le dernier. L'année scolaire est terminée. Shibani témoigne de son parcours durant cette année.


Pourtant, force est de constater qu'il n'y a pas que des émergences, la face sombre du complotisme émerge là où on l'attend le moins : au détour d'une conversation autour d’un tchaï.

À quelques jours de l'investiture du 46 ème président des États-Unis, on peut identifier les bulletins de votes, ils sont sur tous les visages aux États-Unis, me raconte mon amie retrouvée à Auroville après plusieurs mois. Dans la rue, les  républicains avancent littéralement sans masque, les démocrates masqués. La seule chose sur laquelle les deux protagonistes sont d'accord c'est que le 20 janvier prochain, pour la première fois dans l'histoire américaine, l'ancien président brillera par son absence pour l'investiture du nouveau, même si c’est une décision unilatérale.


Sous l'apparente continuité du quotidien se situe un sacré bouleversement de nos vies. 2021 nous invite plus que jamais à ouvrir nos yeux.


Mon amie Bhawna est de retour, elle a repris ses cours auprès de ses étudiants en proposant un webinaire pour décrypter l'information, les fakes news. Il est bon et nécessaire d'ouvrir nos oreilles avec discernement.


Les roses de Noël s'épanouissent sous les timides flocons de neige dans le jardin de ma mère. Ici après la pluie, je retrouve les fleurs au petit matin par terre, tout au long des rues de Pondicherry. Ce sont des tapis de délicates et odorantes fleurs blanches nommées Transformation par la Mère.


Respirons et ressentons le parfum d'un monde nouveau...


Commentaires

  1. Merci Isabelle, c'est toujours un vrai plaisir de te lire....

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  2. Merci Isabelle, c'est toujours un vrai plaisir de te lire....

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  3. Beautifully written Isabelle. There's always a silver lining to every tough situation and I guess you found yours in writing! Kudos!

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