Chronique du solstice 19#



Selon le Journal de Saône-et-Loire, le loup pourrait revenir… L’emploi du conditionnel est de rigueur en ces temps incertains où ce qui semble manquer à chacun est la certitude. Faire des projets, imaginer, prévoir, ce moteur si prégnant habituellement. Cela m’interpelle aussi quant à la difficulté d'être dans le moment présent. Pour autant, certains font des projets, timidement, tiraillés entre envie et réalité, d’autres continuent sans limitation en étant dans la vie, tout simplement.

Ici, en France, les conversations vont bon train sur la décision de se vacciner ou pas. Et comme toujours en France, les débats sont tranchés. En Inde, tout semble plus discret, la vie reprend, nécessité oblige. Les préoccupations économiques du moment en général et celles des paysans en particulier occupent le devant de la scène. On manifeste toujours à Paris et à Delhi, avec plus ou moins de violence dans l’encadrement des manifs et des manifestants. Entourée de proches qui n'ont jamais manifesté ou d’autres qui sont toujours présents à chaque appel à la grève, je m'interroge sur ce regard militant. Il semble qu’en France la voix du peuple dans les rues n’ait plus autant d’impact qu’auparavant, pour autant force est de constater que la liberté d’expression est bien vivante. Liberté d’expression forte en Inde aussi malgré un régime qui flirte avec l'extrémisme sur certains sujets. Je souhaite tellement ardemment que ces périodes chahutées nous invitent à grandir. Je rêve d'échanges où j’apprends de l’autre, de son expérience, de son ressenti. Ce sont ces manifestations de rues ou celles à l'intérieur de moi qui me font grandir.

Noël arrive tout doucement, le gouvernement français vient d’autoriser les maisons de retraites (je ne me résous pas à utiliser le nom officiel) à ouvrir leurs portes aux familles. Ouf! Je pense à ma cousine si désemparée devant l'impossibilité de veiller sur sa mère et de lui tenir la  main. Bonne nouvelle du jour, ma marraine sortira pour Noël...

Seules fleurs survivantes de l’automne finissant, les pensées, résistent au gel. Elles semblent chaque matin, après les frimas de la nuit, avoir souffert de manière irréversible. Et pourtant, elles éclairent de nouveau les jardins en fin de matinée. Ma mère aussi souffre de ces journées si courtes, elle se nourrit des pensées multicolores que nous avons plantées ensemble dans son beau jardin. Elles dureront tout l’hiver jusqu’au printemps. Le temps de mon absence.

Encore quelques jours avant le grand basculement du 21 décembre, alignement parfait de toutes les planètes. Depuis la nuit des temps, le solstice est toujours un moment particulier. Chacun y va de ses souhaits et prédictions. Que nous réserve ce jour dans cette année si particulière. 2021 va-t-elle se démasquer?

Je viens de voir Matrix pour la première fois hier soir, en vingt ans ce film culte n'a pas pris une ride. Cette trilogie visionnaire résonne avec mon parcours spirituel et grandement avec ce que nous vivons aujourd’hui. L’emprise de la machine sur les humains, traitée dans un esthétisme à couper le souffle, servie par des effets spéciaux sidérants, interroge sur notre manière d’envisager l'évolution rapide de nos modes de vie. La question est de savoir ce que nous voyons de notre relation avec la machine, et surtout si nous sommes prêts à nous adapter au rythme effréné de ces évolutions. Nous avons le choix, de ne pas subir.. C’est pour moi la question centrale : dans quel monde je veux vivre, à quoi  suis-je prête ?  Une seule réponse pour moi : l'amour. 

Depuis ce matin, j’essaie désespérément de joindre le laboratoire d’analyses, des longs temps d’attente, un serveur vocal bêtifiant, pour échouer après beaucoup de temps perdu et la tête farcie de bêtises d’une machine qui tourne en boucle.

Heureusement c’est pour la bonne cause, je dois prendre rendez-vous pour un test covid, le sésame pour prendre l’avion et retourner en Inde. Sanhita, mon ancienne et brillante étudiante pendant trois ans en licence, vient de recevoir son visa, elle prendra l’avion pour Strasbourg avant la fin de l’année. Une nouvelle vie est tout de même possible alors que pour cette génération, les lieux de culture, cafés et restaurants restent encore fermés 

Je m’envole dans une semaine, le temps de fêter Noël de manière si particulière, un goûter, vin chaud, bûche dans le grand jardin de ma sœur à l’ombre des arbres dénudés.

Sur la route de Bangalore à Pondichéry, les flamboyants sont fanés depuis longtemps, six mois déjà. D’autres senteurs m’attendent. Je franchirai la nouvelle année en quarantaine, je regarderai le ciel sous le souffle du vent de la baie du Bengale de ma terrasse.

Commentaires

  1. Bon vol pour l'Inde Isabelle, ce pays si cher à ton coeur...et au plaisir de se revoir en 2021.
    Bises

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  2. Nous avons fait un peu connaissance ces derniers mois....et je te souhaite beaucoup de joies de ce nouveau départ tant attendu. Au plaisir de te retrouver à nouveau en 2012.
    Ta voisine

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