Pérégrinations estivales 2#

Le fin crachin presque breton recouvre le chant des oiseaux ce matin en Bourgogne. La mousson approche timidement le rivage de la baie du Bengale.

Partie au moment du pic des grandes chaleurs de l'été indien, je quitte ce matin la maison forestière dans la forêt qui m'a accueillie pour ma quarantaine, en réalité quinzaine.

Champvigy et Pondicherry sont frais ce matin, ma nostalgie de quitter ce havre de paix n'a d'égale que celle de mon départ d'Inde il y a deux semaines déjà.

L'augmentation chaque jour de cas de la Covid-19 en Inde ne laisse pas augurer d’une réouverture rapide des frontières. Me voici arrivée à destination de mes quartiers bourguignons pour de longs mois certainement.

Je me pose donc à Charolles, ma terre natale, au 7 avenue de la libération au pied de l'église dont les cloches sonnent l'angélus et à chaque quart d'heure. De quoi ne pas oublier le temps qui passe et ma condition de nomade.

Mes promenades du soir, devenues très matinales, passage de la forêt à mon village comme disent les indiens au sujet de Charolles, m'offrent toujours autant de rencontres animalières. Les chevreuils, lièvres et renards ont remplacé mon souvenir de Lakshmi dans les rues de Pondicherry.

Elle ne traversera plus la ville blanche le soir aux sons des grelots semble-t-il. Le Manakula Vinyagar, temple de Ganesh, est privé de sa célèbre attraction. Lakshmi a rejoint son lieu de retraite.

Il était temps...l'exhibition de cette éléphante au profit des pèlerins et touristes m'a toujours parue indécente.

Devant la recrudescence du virus en Inde, les trains sont à nouveau annulés jusqu'au 12 août... Ici, chacun jouit de la liberté retrouvée, les nombreuses migrations estivales s'organisent au gré des lieux de villégiature des uns et des autres. Que devient mon amie Bhawna ? Sera-t-elle bientôt de retour à Pondy? Je me sens un peu encore dans ces deux mondes. J’ai besoin d'un peu de temps pour atterrir vraiment.

Mon voyage indien se prolonge tout au long des pages de Shantaram de Gregory David Roberts, ce roman fleuve m'enchante. Je me régale de ce pavé qui, pour mes amis indiens qui le connaissent, est le meilleur roman sur l'Inde écrit par un étranger. Et vous savez que l'on ne rigole pas avec ça...

Pour moi chaque page est un délice, chaque phrase décrit, intègre avec tant de subtilité, de précision, mon monde indien. C'est presque jubilatoire de lire ce qui parfois est si difficile à partager.

Tomates, haricots verts, courgettes et salades vertes sont les ingrédients quotidiens de nos assiettes, les repas pris à l'ombre du parasol ravissent nos papilles sans oublier les incontournables épices indiennes utilisées avec modération pour ne pas trop choquer le palais de ma mère heureuse de nos repas enfin partagés.

Les connections internet ne sont pas toujours de qualité suffisante à travers les murs de pierre de la vieille maison de ma mère. Les distances ne sont plus les mêmes dit-on avec l'arsenal des communications modernes. Cependant, la distance, le décalage horaire rendent un peu plus ardue l’organisation de mes cours que je continue de dispenser aux élèves de l’Ashram. J'expérimente et je souffre de ces difficultés. Il me faut être patiente.

Bel exercice pour moi : faire l'expérience de rester aussi bien connectée avec mes deux mondes. Ce n'est pas toujours facile, c'est cependant ce qui fait sens pour moi.

Cet après-midi, retrouvailles avec un ancien professeur de français, André Beauchamp, (beau nom pour un homme qui à marqué tant d'élèves dans cette région de bocage), pour une découverte, redécouverte du joyau de l'art roman qu'est la fameuse église d'Anzy-le-Duc. La vie nous offre un cycle perpétuel, les élèves sont devenus professeur.e.s et c'est heureux de partager des connaissances de manière moins formelle. Romain, son ancien élève et moi-même, avons été si touchés par la savante visite de ce haut-lieu du roman bourguignon.

Touchés aussi à l'endroit de sa sincérité, intelligence, sensibilité, générosité et du partage de ses convictions. Un “vrai”, un professeur comme certainement, Romain et moi, aimerions être.

Quelle joie de redécouvrir ces chapiteaux sculptés, et d'observer tant de similitudes entre les sculptures des merveilles des Temples hindous et l’Art Roman Bourguignon. Ici et là-bas les représentations des tribulations des hommes et des animaux offrent matière à tant d'interprétations selon l'endroit où l'on se place, physiquement ou culturellement.

Il est néanmoins toujours question d'ombre et de lumière. Si l'on soustrait la question du dogme propre à la religion, il reste la place du spirituel.

La citation apocryphe de Malraux me semble plus que jamais d'actualité.

Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas. Je l'appelle de mes vœux les plus sincères. Qu'attendre d'autre si ce n'est la force de la nature et son corollaire né des mains de l'homme comme instrument du Divin sous toutes ses formes : L’Art.

Commentaires

  1. J'allais te demander comment passe l'été en Inde. Heureux de lire cette chronique, bonne santé :)

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    1. Bonsoir Rati, heureuse de te lire de ma Bourgogne natale.

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